Et si je n'étais rien de tout cela?

Seulement ta voisine de palier, la gardienne de l'immeuble, la caissière à Carrefour, celle à qui tu souris au moment de débourser, et dont tu sais qu'elle s'appelle Marine parce que c'est écrit sur son badge.

Une petite blonde aux yeux noisette, nerveuse, peu patiente, des aigus dans la voix qui t'arrachent les tripes aux heures où on n'a plus la patience, alors qu'il fait étouffant malgré la clim, et que l'on n'a pas le code de l'article 27, et qu'il faut appeler Ronald pour qu'il aille voir le prix de l'article à l'autre bout du magasin immense, et que la file s'allonge, et que c'est l'heure de fermeture, et que la dame derrière toi n'a que trois articles et se bouffe les sangs, d'un air visiblement hostile! Et que tu n'es que le quatrième de la file, et elle la cinquième!

Une qui connaît que sa cité, qui a jamais vu la mer, ni l'océan, ni la montagne, qui va pas aux concerts, qui déteste le théatre, qui sait à peine faire la différence entre une reproduction douteuse dans un mag féminin, et un tableau de maître derrière une vitrine protégée dans un prestigieux musée urbain. Et qui s'en contrefout, d'en faire un jour la différence .

Une qui croit au bonheur, mais l'a jamais qu'entre aperçu.
Une qui s'affale comme une souche après sa journée  d'univers obscur et quelconque  auquel elle est habituée, et dort deux heures d'affilée sur sa table après son café de 19 heures, de quoi récupérer avant d'ouvrir le PC de son frère, avant qu'il revienne en prendre possession après sa dérive quotidienne vers trois ou quatre heures du mat.

Une qui croit à moitié qu'elle rencontre vraiment les gens auxquels elle parle sur le net.
Une qui a peur de se réveiller un jour encore plus seule, plus flouée, plus misérable, plus désanchantée, plus petite, plus boulotte, plus insignifiante et dépossédée.
Une qui a tout misé sur un univers de rêves et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

peut-être!

 

Et si j'étais un homme?

 

Et si?

 

 

                                               Signé TAHIRA

 

commentaires

Parfois, je ne sais pas, parfois je ne sais plus.

Parfois, ni toi, ni moi ne savons plus...

Parfois le rêve s'arrête, puis il reprend, malgré nos doutes et nos fatigues.

Parfois on grandit trop vite, parfois on en a encore besoin, comme les enfants à qui on a enlevé prématurément la chuchu, et qui ensuite ne savent plus s'arrêter de têter.

Et si on arrêtait de rêver?

Et si le rêve ne s'arrêtait jamais?

Et si?

La Bergère
2006-01-17 07h40