Le retour dans la vallée
Notre retour est une fête.
Oui, nous avons trouvé de fameux coins d'herbe!
Et les brebis reviennent grasses, et les agneaux solides sur leurs pattes.
Le copain est arrivé avec son 4X4, et nous avons chargé tous les fromages, bien empilés.
Nous lui avons confié l'agnelle, encore faible sur ses pattes.
Il sera arrivé bien avant nous!
Sur le chemin, on entend le tintement des grelots et des sonnailles, les aboiements d'Aheyâd et d'Afa.
J'ai mis mes plus beaux bracelets, le collier de mon arrière grand-mère, celle dont je porte le Nom!
C'est la fête, je chante, je bats des mains, je cours, je danse, je ris en descendant, je devance même mon Berger.
Je saute dans les flaques, je m'éclabousse, je lave mes pieds dans les petits ruisseaux qui clandestinent sur le cours des sentiers pierreux.
Mon regard s'est purifié dans la contemplation du soleil, sous les averses et la grèle.
Mes pieds n'ont plus d'angelures, mes cheveux doux et dorés flottent doucement dans la brise.
Ma peau encore brune, douce et fine, se souvient de toutes caresses.
Je n'ai plus mon voile de lin noir, mais beaucoup de souvenirs, une grande brûlure au coeur.
J'ai beaucoup parlé avec mon Berger, la tête sur son épaule, le dernier soir à la bergerie, après que nous ayons tout nettoyé, tout rangé, tout préparé pour le départ. Après que les moutons et nos chiens se soient endormis, alors que le feu nous éclairait, nous réchauffait encore.
Je lui ai dit mes difficultés, mes doutes, il m'a écoutée, il m'a rassurée, il m'a dit qu'il savait et que je pouvais compter sur lui, même si l'âge et la fatigue étaient là!
Il a le coeur éternellement jeune mon berger, il a toujours le même amour pour moi, la même confiance en moi, les mêmes yeux émerveillés. Nous avons prié et murmuré des cantiques ensemble, puis la longue nuit nous a unis.
J'ai décidé de ne plus penser qu'à la joie d'être ensemble, à la joie de pouvoir pianoter sur les claviers en rêvant au sec chaque soir, après la prière, avant d'aller dormir sous les étoiles, dans notre chambre haute, juste sous la lucarne qui n'est jamais close. A la joie de revoir mon vagabond, de l'accueillir lorsqu'il frapperait à notre porte, de lui servir le thé brûlant, à la joie de danser pour lui, à la joie de lui expliquer certains de mes secrets, tout en gardant mon mystère et en respectant le sien.
J'ai décidé que la tendresse l'emporterait sur tout.
J'ai décidé de rouvrir calmement mes bras à la vie et à sa douceur.
J'ai décidé de garder le regard vers les hauteurs, de veiller en mon coeur, avec mon Seigneur et Roi pour pouvoir accueillir toutes les personnes qui comptent sur moi, les écouter, leur être attentive, leur répondre.
J'ai décidé de tout espérer, mais de ne rien attendre de formel de tous ceux qui me tiennent à coeur.
J'ai décidé d'accepter ce que la vie avait accompli en moi.
J'ai décidé d'accepter ce qu'elle allait faire et dont je ne sais rien encore.
J'ai souri, comme délivrée d'un poids immense.
"Je suis venu pour que vous ayez la vie en abondance.
Je ne suis pas venu pour juger, mais pour sauver ce qui était perdu.
Lave ce qui est souillé
Redresse ce qui est tordu
Relève ce qui est tombé
Réchauffe ce qui est froid"
J'ai décidé d'aimer, d'aimer, d'aimer,
de me laisser réinventer par l'Amour...
(Fain djer'hti?
Ach men baroud?)*
Tahira
°°°000°°°
*Où t'es-tu blessé.
Dans quel combat?